vendredi 7 mars 2014

LE CHAT

Viens, mon beau chat, sur mon cœur amoureux ;
Retiens les griffes de ta patte,
Et laisse moi plonger dans tes beaux yeux,
Mêlés de métal et d'agate.


Lorsque mes doigts caressent à loisir
Ta tête et ton dos élastique,
Et que ma main s'enivre du plaisir
De palper ton corps électrique,


Je vois ma femme en esprit. Son regard,
Comme le tien, aimable bête,
Profond et froid, coupe et fend comme un dard,


Et, des pieds jusques à la tête,
Un air subtil, un dangereux parfum,
Nagent autour de son corps brun.


La musique, le son, la forme sont venus comme un présent, comme pour me dire: fais-le! Va jusqu'au bout! La porte s'est ouverte, je suis entré, elle s'est refermée.

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Le crescendo du poème invoque d'abord la présence du chat aux côtés du poète : l'apostrophe impérative "viens" connote l'idée de distance, puis l'approche par le regard, yeux dans les yeux, puis le contact se fait tactile, l'apparition du plaisir, et une dernière approche, le parfum. Très vite, s'instaure une osmose "plonger". Tous les sens sont ainsi mis en éveil : le toucher "caressant", "doigts", "élastiques", "palper", "corps électrique", "corps brun" ; l'odorat "dangereux parfum" ; et la vue "mêlés de métal et d'agate".

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Dans le premier tercet, le chat change de statut par rapport au début du poème. Il devient un complice, auquel le poète se confie. Le contact charnel du chat a permis l'apparition spirituelle de la femme, association mentale puis retour aux attributs physiques avec une comparaison explicite "son regard, comme le tien, aimable bête" ()
[...] Le moi récurrent, pronom tonique, montre l’égocentrisme du personnage et son impression de possession mon chat ma femme c’est une invitation à la docilité passive. Le chat est complimenté beau aimable bête ce portrait laudatif du félin est lié à la sensualité qu’il dégage. Cependant, la figure du chat n’est qu’une allégorie pour évoquer Jeanne Duval, analoguée au félin par ses nombreux atouts charnels et sensuels. On atteint un degré supérieur au vers on n’est plus dans la simple sensualité, on est dans l’ivresse, le plaisir thème récurant chez Baudelaire. C’est là que la femme fait son apparition. [...]


[...] La femme-Chat a. L’identification de la femme au chat Dans le premier tercet, le chat change de statut par rapport au début du poème. Il devient un complice, auquel le poète se confie. Le contact charnel du chat a permis l’apparition spirituelle de la femme, association mentale puis retour aux attributs physiques avec une comparaison explicite son regard, comme le tien, aimable bête La femme obtient une présence métonymique par le biais du regard. Peu à peu, la confusion s’installe entre les deux êtres ; le dernier tercet cultive l’ambigüité par des connotations humaines pieds tête On ne sait plus très bien à qui le corps brun appartient, Jeanne Duval, la maîtresse ou le chat. [...]